Internet
Bonjour Skelly [Wiss s'est absenté un instant]. Avant de venir, je suis allée me promener sur votre site Internet. C'est un domaine qui vous intéresse ?
Skelly : Oui. Un site web permet de communiquer avec de nombreuses personnes sur cette terre, et ça c'est une bonne chose. Mais l'Internet peut aussi faire mal, à cause du piratage. Quand vous mettez toute votre énergie, votre travail, vos inspirations dans un album et que certains piratent le résultat pour en faire des copies ou le distribuer sur Internet, ça fait très mal. Les nouvelles technologies doivent passer un nouveau cap pour protéger le travail des artistes. C'est important.
Nouvel album "Jericho"
Vous venez aujourd'hui avec un nouvel album, "Jericho". On y retrouve une partie des Roots Radics, un groupe de musiciens avec lesquels vous travaillez depuis plus de dix ans maintenant, depuis votre contrat avec RAS.
Skelly : Quand nous avons commencé notre carrière en tant qu'Israel Vibration, nous n'avions pas vraiment de groupe de musiciens constitué autour de nous. Beaucoup de musiciens différents ont joué sur notre premier album, "Same Song" [enregistré en 1978 pour Tommy Cowan] ; sur "Unconquered People" [1980, Tommy Cowan], la plupart venaient du groupe des Wailers et d'autres musiciens encore ont joué sur "Why You So Craven" [1982, pour Henri 'Junjo' Lawes]. Plus tard nous avons signé avec RAS Records [1988], mais nous avions déjà travaillé au début des 80's avec les Roots Radics, sur un single enregistré en Jamaïque pour Tommy Cowan, "Never Gonna Hurt Me Again". Et maintenant nous avons enregistré sept album avec les Roots Radics.
[Wiss nous rejoint]
Sur "Jericho" il y a aussi d'autres musiciens. Comment cela s'est passé ?
Skelly : Sans peine ni douleur, très bien en fait parce que tous les musiciens sont vraiment très bons. Il y a Earl Chinna Smith...
Wiss : Chinna est un guitariste génial man !
Skelly : ...ou encore Junior Marvin qui est un très bon guitariste aussi. Ensuite nous avons demandé à Sly Dunbar [batterie] de venir. Tous y ont mis le meilleur d'eux-mêmes. A mon avis "Jericho" est un très bel album parce que tous ces musiciens y ont mis beaucoup.
Quelles différences avec "Pay The Piper" [1998] ?
Skelly : "Pay The Piper", nous l'avons fait avec Flabba Holt et les Roots Radics. C'est vrai que nous travaillons avec eux depuis des années parce que sont de bons musiciens, eux aussi. Avec "Jericho" il y a en plus Chinna et Sly et les autres, et cela a créé une sorte d'émulation dans le groupe. Et Wiss et moi avons aussi dû placer la barre encore plus haut. Nous avons nous cherché à donner le meilleur de nous mêmes, à être de meilleurs compositeurs.
Le départ d'Apple
Avec "Pay The Piper", c'est le deuxième album que vous composez à deux pour Israel Vibration, depuis le départ d'Albert 'Apple' Craig.
Skelly : Oui, mais nous avons toujours le même plaisir à composer. J'essaie de surprendre Wiss et Wiss m'offre des surprises lui aussi.
Wiss : Yeah man ! Le départ d'Apple ne nous a pas arrêtés : une seule personne ne peut pas arrêter la machine.
Vous avez des nouvelles d'Apple ?
Wiss : Non, nous ne somme plus en contact. Mais nous ne lui souhaitons rien de mal vous savez. Quelque chose est terminé, c'est tout.
From Jamaica to New York
Quel message cherchez-vous à transmettre aujourd'hui avec "Jericho" ?
Wiss : Le même que par le passé. Nous somme guidés par Jah Selassie I et nous essayons de guider les gens sur ce même droit chemin, toujours. Ouvrir les yeux des gens sur ce qui se passe de bien et de mal autour d'eux et leur montrer la voie à suivre. Notre inspiration est toujours spirituelle et sociale.
Comme pour vos précédents albums, vous avez écrit "Jericho" à New York, où vous vivez : les conditions de vie y sont bien différentes qu'en Jamaïque ou même en Europe.
Skelly : Oui mais la douleur, les difficultés et Jah sont partout !
Wiss : C'est pour cela que notre musique est ainsi, que nous écrivons nos chansons : nous ne chantons par pour nous-mêmes mais pour tout le monde. Et nous n'avons pas besoin d'être physiquement à un endroit pour comprendre ce qui s'y passe.
Skelly : Il y a des gens qui souffrent dans les ghettos partout dans le monde, en Jamaïque comme aux Etats-Unis, en France ou en Angleterre. Si les gens comprennent nos paroles, ou si elles sont traduites dans leur langue, ils se retrouvent dans nos chansons, nous partageons leurs sentiments. La souffrance est la même partout. C'est une cause internationale !
Wiss : Si vous grandissez par exemple au Zimbabwe, dans des conditions difficiles, vous allez écouter notre musique et la conserver en vous. La musique peut vous aider à supporter la douleur mais aussi à lutter.
Eternel combat
Tout comme la musique vous a aidé, vous aussi, à surmonter une vie qui n'a pas toujours été facile. Vous avez grandit en Jamaïque dans un centre spécialisé, pour la polio, le Mona's Center, que vous avez dû quitter pour vivre d'expédients. Et puis en 1976, vous enregistrez votre premier single. "Why Worry" qui a été soutenu par la tribu rasta des Twelve Tribes of Israel. C'était une sorte de rédemption pour vous ?
Wiss : Well, nous faisions de la musique avant de rencontrer les Twelve Tribes. Un jour nous les avons rencontrés à Channel One : ils nous ont donné un dub plate pour que l'on pose nos voix dessus. Mais les Twelves Tribes n'ont pas produit le single : ils nous ont présentés à Tommy Cowan qui a sorti " Why Worry . Ensuite nous avons enregistré deux albums avec Tommy Cowan, "Same Song" et "Uncoquered People" sorti sur Top Ranking. C'est le début de notre histoire...
C'est aussi le début de vos problèmes avec les producteurs jamaïcains, pour le paiement de vos droits d'auteur, notamment avec le patron de Top Ranking.
Skelly et Wiss : Yeah man, bad experience...
Ensuite vous êtes partis pour les Etats-Unis, sans jamais retravailler avec un producteur jamaïcain... Mais aucun enregistrement ne sort durant vos premières années à New York. Pourquoi, vous n'aviez plus confiance en personne ?
Skelly : Ce n'était pas la raison principale. Nous avions un visa pour les Etats-Unis mais nous sommes restés plus longtemps, sans papier... On pouvait difficilement quitter le pays, mais on ne pouvait pas non plus travailler légalement. Nous étions très frustrés. Nous avons continué à jouer, entre nous, dans de petites salles, des clubs sympas, mais sans enregistrer de disque avant de signer avec RAS Records.
Wiss : Doctor Dread man !
Roots Radics
C'est là aussi que vous rencontrez les Roots Radics. La fusion a été immédiate ?
Skelly : Les Roots Radics sont les musiciens de studio de Ras, ils ont un sentiment très fort qui les attache au son de Ras. Travailler avec eux est un grand plaisir : de bons musiciens, très pro. Par exemple quand nous sommes ensemble sur scène, le truc, c'est que cela sonne comme en studio. Ils insistent toujours là-dessus. Le son doit être aussi clair, perfect sound you know.
Wiss : On se connaît très très bien maintenant. Notre histoire est un peu commune. A force d'enregistrer, de tourner ensemble, on devient de plus en plus proche. Nous avons les mêmes objectifs. Sur scène, on se comprend tout de suite, nous sommes sur le même bateau et nous allons dans la même direction.
Deejays' stylee
Il y a quelques années, vous disiez souhaiter dans un autre style, avec des deejays notamment. Récemment, vous avez enregistré "Same Song" avec U Roy pour son album "Serious Matter". Vous avez d'autres projets de ce genre ?
Skelly : Sur l'album "Feelin'Irie" [version maxi] de l'album "Free To Move" [1996], il y avait aussi un deejay, Brigadier Jerry. Si c'est possible, dans le futur, j'aimerais faire d'autres collaborations avec des deejays.
Wiss : Ce n'est pas que l'on veuille ou que l'on ne veuille pas faire quelque chose avec les deejays. On n'a pas beaucoup d'expérience en ce domaine... Tout dépend du style, du deejay... Mais si quelque chose doit se faire, quelque chose sera fait.
Bon, il y a deux styles deejays et de dancehall, le roots et un autre style plus...
Wiss : ...x-rated !
Beaucoup d'artistes du reggae roots condamne le dancehall, ou du moins ce côté là du dancehall. Israël Vibration est l'un des groupes les plus roots du reggae, alors vous en pensez quoi du dancehall ?
Wiss : Je ne les condamne pas en tout cas. C'est leur travail. Et puis il y a aussi un dancehall très culturel, real roots man. Mais nous n'allons pas faire la promotion du côté le plus sale du dancehall, ça, jamais, parce que cela ne va pas dans la bonne direction. On ne peut pas condamner le dancehall en général. D'autres artistes dancehall suivent un chemin plus clair, plus pur, et qui nous convient.
Skelly : Garnett Silk, maintenant Buju Banton... Je pense que nous ferons quelque chose avec les artistes de cette branche, un jour, dans le futur.
Paris Bercy
En juin, vous serez à Bercy. C'est une grande fête reggae qui dure toute la nuit... Vous avez prévu quelque chose de spécial ?
Wiss : Ce n'est pas facile parce que les festivals ne permettent pas vraiment les surprises : le temps de scène de chaque artiste est minuté...
Skelly : Mais nous allons aussi repartir en tournée d'octobre jusqu'à Noël, et nous passerons en France.
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)au Transbordeur et ce concert m'a vraiment retourné 
(dans tous les sens du terme lol)
